jeudi 20 décembre 2012

Bretagne, République porchère

Tribune libre d'Yves-Marie Le Lay, Président de Sauvegarde du Trégor
Bretagne, république porchère
La Bretagne n’a pas de bananes, mais elle a des cochons. Et comme avec les bananes jadis, s’est construit un gouvernement d’une région où l’argent des cochons, et leurs frères poulets et bovins, l’emporte sur les droits des citoyens. 


Hier  s’est  déroulée  une  bien  curieuse  manifestation  à  Hillion.  Un  homme  a  été  jeté  à  la vindicte  populaire  par 150 exploitants de  ces animaux  martyrisés du hors sol.
Ils s’en sont pris  à  ses  intérêts  personnels,  lui  reprochant  l’illégalité  d’une  construction  privée.  Depuis quand en République une  bande de braillards dit le droit  ? De quoi sont-ils juges ? Ont-ils même  écouté  la  maire  de  la  commune  qui  leur  donnait  tort  en leur  disant  que  Monsieur Ollivro  est  dans  les  normes  ?  Ils  en  avaient  que  faire,  puisqu’ils  se  proclamaient  de  fait tribunal populaire. Tribunal populaire, voilà un mot qui fait froid dans le dos. L’histoire parle.
Ce n’est pas encore les pogroms ni la nuit de cristal, mais c’est déjà du registre de l’émeute contre  les  biens  privés  d’une  personne.  Imagine-t-on  une  manifestation  contre  un  voisin parce qu’on contesterait  la propriété  de ses biens  ? Imagine-t-on une société où n’importe qui se fait juge à la petite semaine et réclame avec quelques amis les fruits de son jugement ?
C’est pour éviter ce chaos social que la République existe. Et la République dit que seuls ses Tribunaux  rendent  justice.  Si  ces  émeutiers  de  l’agro-business  reprochaient  à  Monsieur Ollivro de ne pas respecter le droit, alors qu’ils saisissent ces tribunaux ! C’est d’ailleurs très précisément  ce qu’il fait  quand il juge avec son association que leurs exploitations ne sont pas aux normes. Et c’est bien parce qu’il obtient souvent gain de cause devant les tribunaux, qu’ils étaient là à lui reprocher de ne pas les laisser polluer tranquillement les rivières et la mer, au mépris des lois de la République et du bien commun !
La république porchère, qui est la négation même de la République commence là. Mais elle a besoin pour prospérer de la démission des gouvernants, l’amnésie des élites et le brouillage des médias. 

Dans n’importe quelle région de France et d’Europe, il se serait trouvé au moins une  poignée d’élus pour  condamner ce coup de  force contre  la démocratie.  En avez-vous entendu  un en Bretagne ? Dans n’importe quelle  région de  France  et  d’Europe,  il  se serait trouvé une  personnalité  publique  quelconque pour dénoncer  ces  faits.  On attend toujours cette voix.  Dans n’importe quelle  région de  France  et  d’Europe,  au moins un média aurait signalé  avec force ces dérives  démocratiques.  Qu’avons-nous su  à  travers les  informations qu’ils nous donnaient, si ce n’est que des exploitants de la FNSEA et des Jeunes Agriculteurs accusaient  M. Ollivro de n’être  pas dans les normes,  sans dire  qu’ils avaient  tort et que ce n’était  pas  eux  de juger.  Se faisant  les porte-voix  des  organisateurs  de  cette  manifestation séditieuse,  ils  la  réduisaient  paresseusement  à  un  différent  entre  M.  Ollivro  et  eux,  alors qu’ils avaient connaissance depuis la vieille du soutien de toutes les associations écologistes à l’un de leurs emblématiques représentants. 
Dans une république porchère seul compte l’argent  dégagé par  les exploitations hors-sol. C’est lui qui a tous les droits, au nom de l’emploi, au nom de l’économie, au nom même du patriotisme  breton.  Il  suffit  que  chacun  l’intègre  consciemment  pour  les  plus  cyniques, inconsciemment pour le plus grand nombre. Contre le privilège de l’argent ne prévaut plus le droit  des  gens.  A  partir  de  là  tout  devient  “normal”.  On  s’habitue  et  on  accepte  tout puisqu’on  ne  voit  rien  d’autre  que  le  privilège  de  l’argent  que  l’on  appelle  la  nécessité économique. Ironie de l’histoire, cette violation des droits s’est déroulée sur les lieux mêmes ou vécut le philosophe Palante,  voilà un siècle. Comme  un écho prémonitoire,  souvenons-
nous de son avertissement :
“Il arrivera un moment où les chaînes sociales ne blesseront presque plus personne, faute de gens  suffisamment  épris  d’indépendance  et  suffisamment  individualisés  pour  sentir  ces chaînes et pour en souffrir”.
Yves-Marie Le Lay, président de Sauvegarde du Trégor