mardi 26 novembre 2013

NPA, FNSEA, et les autres, même combat !... Mais lequel ?

La Bretagne est décidément terre d’innovations.
Elle invente sous nos yeux la manifestation “pot pourri”. Finie la règle un combat, une manifestation, un objectif. Hier quelques fleurons du monde politique, syndical, associatif ont défilé ensemble à Quimper et vont défiler samedi à Carhaix, tous copains, pour des objectifs diamétralement opposés. C’est comme si les défenseurs du mariage pour tous s’étaient retrouvés bras dessus bras dessous avec leur farouches adversaires à la Bastille, dans un rassemblement convivial, presque mariés, aurait-on envie de dire... Pourtant, ce qui est impossible à Paris, est réalisé chez nous ! En fait, ce n’est qu’en Bretagne que la manif est vraiment pour tous. 
Voilà qui donne une fière allure à ces rassemblements. La photo est saisissante, une mer de bonnets rouges, comme jadis un champ de coquelicots dans nos campagnes profondes. Mais qu’est-ce qu’on trouve sous les bonnets ? Des Bretons bon ton et des Frontistes nationalistes. Des employeurs peu enclins à miser leur fortune personnelle dans leurs entreprises qu’ils ont mis en faillite et leurs employés qui ont permis leurs fortunes, cassés et licenciés pour leur avoir rendu si grand service. Les promoteurs hier de l’écotaxe et les destructeurs aujourd’hui de portiques. On en a pour tous les goûts ! 
Côté son, c’est encore mieux. On y entend des slogans du NPA contre l’exploitation des salariés de l’agroalimentaire et contre les porcheries industrielles polluantes. Et deux pas à côté, ceux de la FNSEA, pour la baisse du coût du travail et pour l’agrandissement sans autorisation des porcheries. Et comme mot d’ordre commun : tous, tous, tous ensemble ! 
Mais comment être ensemble en allant dans des directions diamétralement opposées ? Si grande soit-elle, cette difficulté peut encore être surmontée. Après tout, pourquoi pas programmer un ou deux jours par an pour toutes les manifestations qu’elles qu’elles soient, et mutualiser ainsi les efforts d’organisation ? Ne serait-ce pas un gage de succès ? Chacun choisirait son groupe, et même changerait de groupes en cours de manifestation, passant par exemple de la SPA aux défenseurs de la corrida. Que d’économie d’énergies et de coûts de déplacement des forces de l’ordre en réduisant le nombre de manifestations ! Et qu’importent les zigzags de ce rassemblement qui irait dans tous les sens. L’essentiel n’estil pas d’être tous ensemble Bretons, contre Paris la méchante et Bruxelles la perfide. Comme s’il suffisait d’être Breton pour être un bon gars, et “étranger” pour être un salaud ! 
Mais cette nouvelle forme d’action, éminemment sympathique, pose un problème tactique. Cette interpellation, comment le pouvoir va-t-il la comprendre ? Ne pouvant accepter tout et son contraire, parmi toutes ces revendications, lesquelles le gouvernement à qui elles sont adressées va-t-il choisir ? 
On en a déjà une idée. Sans attendre le 30 novembre, il a déjà débloqué 15 millions d’euros pour remplacer les restitutions perdues. Et les employeurs des abattoirs se sont précipités pour dire qu’ils allaient continuer à faire comme avant, du poulet qualité Brésil à Guerlesquin et Chateaulin. Dans la foulée, tout sera fait pour diminuer le coût des salaires. Enfin, comme il faudra produire encore plus de poulets et de cochons, dans peu de temps, on pourra ouvrir une porcherie de 1999 têtes après avoir envoyé une simple bafouille au Préfet. Que le lisier coule à flots, et la Bretagne sera sauvée !
Que d’heureux cela va faire ! Et la FNSEA est contente ! Enfin, un gouvernement qui l’écoute ! Mais les voisins camarades du NPA et les autres, on a cru comprendre que c’était pas pour ça qu’ils étaient à Quimper hier et qu’ils seront à Carhaix le 30 novembre. Pour eux, c’est déjà plus une manif ! C’est une vraie galère ! Dans ces conditions, le grand soir, c’est pas pour demain... Et si dans leur souci d’innovation sociale, les camarades du NPA avaient troqué leur rôle historique d’avant-garde révolutionnaire avec celui d’arrière-garde capitaliste ? Non assurément, on peut le dire aujourd’hui,Trostky n’est pas breton... Mais qu’importent si les salariés et l’environnement n’y trouvent pas leur compte ! Camarades du NPA, vous chantiez hier l’Internationale. Et bien dansez maintenant sur un air de gavotte bien de chez nous, dont le maire de Carhaix a seul le secret ! 
Yves-Marie Le Lay, président de Sauvegarde du Trégor Locquirec le 26 novembre 2013